Trop long : pas lu (complet)

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J’avais déjà cité Bartleby en passant dans le tout premier épisode mais, à la suite d’une petite discussion avec des potes j’ai voulu y revenir parce que : ce personnage est fascinant et qu’en plus on a découvert ensemble un ou deux trucs qui n’intéressent que d’anciens étudiants en lettres. On se refait pas. Enfin si, il faut parce que c’est pas avec un diplôme de lettres qu’on trouve du boulot. Enfin bref, ce qui suit est un brin intello-chiant.

Ainsi donc, parmi les nombreuses interprétations que l’on peut trouver deux me semblent dominer : Bartleby souffre d’une forme de dépression ou bien c’est un résistant passif. C’est cettedernière interprétation que j’ai privilégiée dans la BD. J’ai évoqué La Boétie mais on pense aussi au compatriote de Melville, Thoreau, et sa désobéissance civile par exemple. Et au fourienrisme aussi et surtout.

L’un de mes amis a trouvé cette épigraphe à Bartleby de Maurice Blanchot :

« J’aimerais mieux ne pas » appartient à l’infini de la patience, ne laissant pas prise à l’intervention dialectique : nous sommes tombés hors de l’être, dans le champ du dehors où, immobiles, marchant d’un pas égal et lent, vont et viennent les hommes détruits.

Il me semble que Blanchot penche vers l’interprétation du dépressif. La fin de la nouvelle pourrait lui donner raison. encore que. C’est aussi ce que j’entendais par intello-chiant, mais continuons.

Mon ami m’a parlé de Blanchot après que je lui ai demandé la traduction dont il disposait pour le « I would prefer not to ». Blanchot le traduit donc par « J’aimerais mieux ne pas » tandis qu’un autre, Bernard Hoepffner, le traduit par « j’aimerais mieux pas ».

En discutant, toutes les traductions nous semblaient fautives. Syntaxiquement pour le « J’aimerais mieux ne pas » et du point de vue du registre pour « je préférerais pas ». En effet, « I would prefer not to » tend vers un registre soutenu que ne saurait lui reprocher le notaire. Et il est important que le notaire n’ait pas de prise sur Bartleby.
« J’aimerais mieux ne pas le faire » ne parait pas idéal non plus puisqu’il limite le refus de Bartleby à l’idée de « faire ». Et j’aime assez penser que son refus est plus universel que ça.

Le paradoxe que nous avons trouvé est que Bernard Hoepffner est le premier traducteur qui ait traduit Mark Twain en en conservant le registre de langage – à savoir l’argot – pour Huckleberry Finn alors que les traductions précédentes en gommaient les aspérités considérant bêtement que l’oeuvre était destinée aux enfants (et encore, et alors ?). Il est donc amusant (enfin…) que Hoepffner ait péché en proposant une traduction qui trahisse un tant soit peu le registre de langage de l’original pour Bartleby.

Enfin, bon, la phrase est sans doute intraduisible et ce n’est que la question de laisser ceci ou cela sur le chemin.

Pour finir, je voulais garder cette citation de Olivier Nora (dont je ne sais rien, pas encore cherché) que m’a dénichée mon ami parce qu’elle a une très étrange résonance avec notre situation actuelle de pandémie (et qu’elle va dans le sens que j’ai choisi) :

« I would prefer not to » la formule cryptée de la résistance passive est contagieuse comme la folie. Tout le monde l' »attrape » au contact du pestiféré. Bartleby est bien le frère en littérature de l’idiot dostoïevskien qui « révèle » au sens chimique du terme, la déraison de ceux qui l’entourent. Surgi du néant, retourné au néant, « seul en ce monde dont il est le seul absent », Bartleby l’écrivain n’est apparu que le temps de dérégler les horloges du monde.

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